Voguer : l'art de naviguer sur les flots de la vie

 

L’été, on admire les bateaux tracer leurs sillons sur l’eau. On aime les voiliers, leurs murmures sur les flots. Voguer… Le mot lui-même nous transporte vers un lieu imprégné de mystère. Mais de retour sur la terre ferme, est-ce que ces voyages aux escales improvisées et à la destination incertaine conservent leur attrait ? Peut-on trouver du plaisir à naviguer à vue, sans savoir où l’on va, ni ce que l’on y trouvera ?

Pas évident de larguer les amarres de la sécurité, du confort et des habitudes, pour se laisser guider par notre boussole intérieure. L’aiguille du cœur et de l’intuition, pointant vers un cap bien singulier. Et ce cap est à la fois une évidence et une menace. On sait – on sent – qu’on y trouvera plus de Beauté, de Vérité, et qu’il est même probable qu’on tombe sur Soi – notre identité première et ultime. Mais ça semble si loin, si périlleux… et tellement incertain. Comment surmonter nos peurs et nos résistances pour se lancer dans cette épopée salutaire ?

Voguer, c'est l'art délicat d'errer vers…, de s'égarer jusqu'à parvenir à la juste destination.

« Qui suis-je ? » est une longue et complexe navigation. Faire connaissance avec soi-même prend toute une vie – sinon plus. On bute souvent sur qui l’on pense être et ce que l’on croit désirer. Pour ouvrir la voie et faire circuler la vie, il est impératif d’explorer la source, à savoir nos origines. Qui étaient nos parents, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents ? Quels étaient leurs aspirations, leurs angoisses ? Quels furent leurs accomplissements et leurs frustrations ? Qu’a-t-on hérité de leurs talents, de leurs blessures, de leurs rêves avortés ? Mais aussi de leur personnalité et de leur génétique ? C’est une longue exploration, non dénuée de zones d’ombres et de découvertes étonnantes – mais infiniment plus captivante que n’importe quelle série à succès. À partir de là, on se trouve paré pour identifier et dénouer ces nombreuses peurs qui se jouent de nous et nous entravent.

Voguer… naviguer à vue, tout en tenant fermement le gouvernail et la boussole (celle du cœur, souvenez-vous). À chaque blocage auquel on fait face, à chaque révélation qui nous remue, on fait une escale plus ou moins longue. On sonde, on hume, on creuse. Et on remet les voiles. Les jours de tempête, où l’accablement se profile, et peut même nous terrasser, que faire, sinon dialoguer avec l’impuissance – cette misère ancestrale ? On l’accueille, on la berce… et hop ! un rayon de soleil, un vent nouveau, et c’est reparti. Jour après jour, on s’éloigne de la rive du « Vieux Moi », emplie de murailles, d’échafaudages de fortune, de barricades (égo boursouflé, stratégies d’évitement, tactiques de séduction…), et on voit se profiler, de plus en plus nettement, l’île singulière où réside le joyau brut de notre Être Supérieur – l’éclat divin en nous.

Au cours de cette quête de sens et d’authenticité, nous faisons des rencontres qui sculptent notre être et transforment notre existence. Des gens qui nous font grandir en nous confrontant à nos ombres, mais qui nous montrent aussi la beauté insoupçonnée qu’on recèle. Nous partageons des instants magiques, parfois éphémères, mais qui laissent une empreinte éternelle au plus profond de notre être. Il arrive cependant de se sentir bien seul sur ce navire de l’âme, proche de l’aquabonisme, et même du renoncement. C’est à ce moment qu’il est nécessaire de lever les yeux vers lui. Le Ciel. Pour capter ses murmures de lumière et les révélations spectaculaires qu’il offre. Paré d’étoiles ou de spirales colorées, même alourdi de gris, il nous enseigne à nous abandonner, à rester à la fois entiers et ébréchés. Il nous guide vers cette sagesse du fond des âges : patience et confiance… en soi et en la vie.

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